A History of Violence - David Cronenberg - critique (2024)

Résumé : Tom McKenna, un père de famille à la vie paisiblement tranquille, abat dans un réflexe de légitime défense son agresseur dans un restaurant. Il devient un personnage médiatique, dont l’existence est dorénavant connue du grand public...

Critique: Première scène: un plan-séquence hallucinant qui épouse la structure du film. En apparence, tout semble calme, lisse, tranquille; en profondeur, tout est sombre, tortueux, secret. A History of Violence, diamant noir à la beauté épurée, ne parlera que de ça: de la surface a priori lisse qui ensevelit des mystères et des menaces souterraines. On sait depuis Le festin nu (1991) que David Cronenberg a abandonné le gore explicite pour une forme de fantastique plus subtile afin de traduire la détresse psychologique de ses personnages. Soit. Seulement voilà, le cinéaste naguère adulé a écopé depuis quelques années d’une réputation de réalisateur pépère qui signe des films faussem*nt œdipiens calibrés pour remporter un prix à Cannes et séduire une certaine intelligentsia. Oubliez les chichis. Avec A History of Violence, Cronenberg subjugue, impressionne, surprend en réussissant une œuvre sublime, à l’intersection de deux registres (gore et subtil), à l’extrême opposé de son précédent Spider, opus qui n’était pas exempt de grandes qualités.

Ce faux film policier divinement mis en scène possède une thématique foisonnante qui amplifie une réflexion sur la violence à la fois physique et morale. Adapté d’un roman graphique éponyme de John Wagner,[1] ce voyage paranoïaque et schizophrène instille une atmosphère oppressante où le suspense le plus haletant le dispute à la folie la plus sourde. Toute la première partie du film se focalise sur les efforts des deux parents pour contrer l’horreur, et de Tom pour se débarrasser des démons à sa porte. En filigrane, Cronenberg s’intéresse aux relations familiales, questionne le problème de l’hérédité et surtout enregistre des scènes de sexe décomplexées et d’une grande puissance érotique.
La suite, quelque chose comme une réponse ambiguë à Kill Bill de Tarantino - puisque ici se dégagent une vraie réflexion et un style très personnel - confirme que Cronenberg négocie un virage et confère à son thriller une dimension curieuse en passant par un mélange des genres exquis, avec des grandes plages d’émotion et des instants de drôlerie inattendus: histoire de mieux sonder la bête qui somnole en chacun de nous. L’ensemble, solide comme un roc, atteint un degré constant de jubilation stratosphérique. A History of Violence est un uppercut quasiment parfait et méchamment heureux: audacieux, hilarant, inquiétant, triste, singulier, fiévreux. Il importe d’aller le voir à répétition pour savourer toutes les subtilités de cet objet ténébreux mais, en l’état, une première lecture suffit pour se rendre compte à quel point ce nouveau Cronenberg est immense et sublime.

Le DVD

Le(s) supplément(s) à ne pas rater: Fait rare, tous les bonus de cette édition prestige sont absolument incontournables! A commencer par le making of de plus d’une heure, découpé en huit chapitres. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu un tel documentaire, à la fois captivant, drôle, informatif, humble et chaleureux. Toutes les personnes impliquées sur le tournage font part de leur expérience. Des techniciens, complices de David Cronenberg depuis vingt ans, décrivent l’ambiance sincèrement familiale qui règne sur les plateaux du cinéaste canadien. On y apprend qu’aucune scène n’est préparée à l’avance, que tout se décide selon l’inspiration immédiate du réalisateur, ce qui implique une étonnante réactivité de la part des décorateurs, costumiers ou encore acteurs. On les découvre d’ailleurs en pleine répétition, soumettant des idées sous le regard (et l’oreille) bienveillant de Cronenberg. Viggo Motersen est assurément le comédien le plus impliqué et le plus généreux qui ait été filmé pour les besoins d’un making of; étonnant en effet de le voir ramener des objets divers qu’il estime coller à l’univers de son personnage. Voilà un document précieux qui démontre à quel point Cronenberg est un auteur, et se sert du talent de tous pour réaliser la meilleure œuvre possible. Cette édition nous donne également l’occasion de voir la seule scène coupée (étalonnée et mixée pour le DVD). Il s’agit d’un rêve dans lequel Tom tire une décharge de chevrotine dans le bide de Fogerty. Une scène curieuse qui, de l’aveu même de son réalisateur, se démarque trop de l’ensemble du film. Un petit making of vous fait même pénétrer dans les coulisses de cette séquence apparemment lourde à monter (cascade, hémoglobine, prothèses, coups de feu). On découvre que la version américaine a été légèrement adoucie au niveau de la violence. Enfin, façon de parler, car seuls deux plans sont concernés et il s’agit de quelques gouttes de sang en moins. Un autre petit module nous embarque directement à Cannes où le film était en sélection officielle. Durant la conférence de presse, on peut entendre Cronenberg lancer la phrase qui clôt définitivement le débat. A la question "A History of Violence est-il drôle?", il répond: "Je ne suis pas surpris qu’on applaudisse ces séquences [de violence]. Je voulais que le public soit complice, je voulais l’impliquer. Il faudrait surtout leur demander, à la sortie du film, leur sentiment par rapport à cette complicité. Si la violence était amenée de telle façon que le public se sente dégoûté et extérieur au film, c’est que j’aurais raté mon but. J’aurais échoué dans ma démonstration du paradoxe qui est qu’on peut prendre du plaisir à ce qui nous révolte moralement". Désormais, et c’est plutôt appréciable, on peut rire à ce film sans passer pour un psychopathe. Enfin, un commentaire audio du maître achève le tour d’horizon d’analyse de ce chef-d’œuvre. Comme le reste, c’est tout aussi captivant sans pour autant faire doublon.

Image & son: Rien à signaler de négatif sur cette édition qui ne vole pas son cachet "prestige". Image d’une netteté cristalline et un Dolby Digital 5.1 qui va vous faire péter les tympans lors des scènes de carnage.

aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.

A History of Violence - David Cronenberg - critique (2024)
Top Articles
Latest Posts
Article information

Author: Fr. Dewey Fisher

Last Updated:

Views: 5803

Rating: 4.1 / 5 (42 voted)

Reviews: 81% of readers found this page helpful

Author information

Name: Fr. Dewey Fisher

Birthday: 1993-03-26

Address: 917 Hyun Views, Rogahnmouth, KY 91013-8827

Phone: +5938540192553

Job: Administration Developer

Hobby: Embroidery, Horseback riding, Juggling, Urban exploration, Skiing, Cycling, Handball

Introduction: My name is Fr. Dewey Fisher, I am a powerful, open, faithful, combative, spotless, faithful, fair person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.